L’écriture inclusive Kezako ?
Mon lavabo est bouché
Je vais appeler la plombière
Tout le monde l’a appris à l’heure des dictées à l’école, si quatre-vingt-dix-neuf filles et un garçon se sont baignés dans la rivière, c’est parce qu’à l’écrit, c’est toujours le masculin qui l’emporte.
Certes, mais, dès les années 70 au Québec, on s’est rebellé contre cette hégémonie masculine pour refaire une place aux femmes dans la langue en reféminisant d’abord les noms de métiers… qui existaient déjà en latin.
C’est ainsi que sont apparues des « autrices » ou « auteures », des « metteuses ou metteures en scène », des « professeuses ou professeures» et d’autres improbables « sapeuses-pompières » que la France a mollement ajouté à son vocabulaire 12 ans plus tard.
Voilà pour le volet lexical, le moins contesté de l’écriture inclusive, encore qu’on puisse douter de l’efficacité d’une « plombière » si elle n’est pas glacée et entourée de fruits confits ou d’une cafetière qui bouillerait d’impatience à l’heure de fermer boutique !
Passons maintenant au volet syntaxique d’un projet de réforme qui n’en finit pas de susciter débats.
Selon ses adeptes, la nouvelle règle voudrait qu’on accorde l’adjectif épithète avec le nom le plus proche, ce qui était possible paraît-il jusqu’au 17ème siècle.
Ça donne par exemple « Les loups et les brebis sont fatiguées » ou encore « les hommes et les femmes sont mignonnes » ! Courage les mecs ! Mignonne rime avec testostérone !
Examinons enfin le volet graphique, le dernier et le plus décrié par les adversaires de l’écriture inclusive : le fameux point médian.
Cher.e.s lecteur.rice.s, je vous sens tous.tes déjà craintif.ve.s et divisé.e.s sur ce point.
Et il y a de quoi !
Questions en rafales :
- Où faut-il mettre ce fichu point ?
- Comment ça se prononce ?
- Comment justifier une telle complexification de l’écrit alors que plus de 50% des collégiens ne maîtrisent pas l’orthographe ?
- Qu’en est-il des dyslexiques ? des handicapés visuels ? des étrangers qui ont déjà bien du mal à apprendre notre langue ?
- En quoi enfin cette écriture inclusive va-t-elle faire progresser la cause des femmes ?
Qualifiée de « péril mortel » pour notre langue par l’Académie Française en 1986, interdite dans les courriers administratifs par Edouard Philippe en 2017 et, depuis le 6 mai dernier, interdite à l’école par Jean-Michel Blanquer pour qui « elle constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l’écrit », l’écriture inclusive ne semble guère en mesure de s’imposer, dans ses aspects syntaxique et graphique en tout cas.
Reste l’aspect lexical (il est vrai que « La ministre est enceinte » passe mieux que « Le ministre a perdu les eaux ! ») et le recours de plus en plus fréquent en presse écrite à des mots épicènes, autrement dit non genrés comme « le public » plutôt que les spectateurs et les spectatrices, ou « les « élèves » à préférer aux collégiens et collégiennes.
Comme dans toute nouveauté linguistique, c’est l’usage qui tranchera.
On compte sur le bon sens collectif pour ne pas trop dénaturer une langue à laquelle on tient d’autant plus qu’elle est d’ores et déjà complexe!
Marielle Créac’h